La loi belge du travail pour les travailleur·euses du sexe

Le 3 mai à 0h29, le parlement belge a approuvé la loi sur le travail des travailleur·euses du sexe sous contrat. Il y a eu 93 votes en faveur, 33 abstentions et zéro votes contre. Cette victoire marque la fin de deux années d'intense travail de plaidoyer politique, que nous avons mené main dans la main avec nos partenaires Violett et Espace P.

Exercer le travail du sexe en tant qu’indépendant·e était déjà possible. Grâce à cette loi, les travailleur·euses du sexe pourront également travailler sous contrat de travail, ce qui leur donnera accès à la sécurité sociale : pension, chômage, assurance maladie, allocations familiales, congé annuels, congé de maternité,... En même temps, la loi garantit que les travailleur·euses du sexe sont protégé·es contre des risques professionnels sur leur lieu de travail et des conditions sont imposées aux employeur·euses.

Une étape historique

Cette loi est une étape historique dans la lutte pour les droits des travailleur·euses du sexe. Les pays qui ont reconnu le travail du sexe avant la Belgique (Allemagne, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande) n'ont jamais adopté de loi de travail. Pourtant, cela est nécessaire pour assurer un bon équilibre et une relation respectueuse et équitable entre le·a travailleur·euse du sexe et le·a gérant·e. C'est exactement ce que fait cette loi.

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Que dit la nouvelle loi ?

Le·a travailleur·euse du sexe bénéficie de droits supplémentaires en tant qu'employé·e et le·a gérant·e doit se conformer à certaines obligations. Attention, ce droit du travail ne s'applique qu'aux personnes qui signent un contrat de travail pour le travail du sexe, et non aux indépendant·es qui travaillent en free-lance dans une maison ou en tant qu'escort·es indépendant·es. Elle ne couvre également que les contacts sexuels physiques. Le porno, le strip-tease et la webcam ne sont donc pas couverts par cette loi.

Il sera impossible d'exercer une activité sexuelle sous contrat en tant qu'étudiant·e. Il ne sera pas non plus possible d'exercer une activité sexuelle dans le cadre d'un contrat intérimaire ou en tant que flexi-jobber.

Toute forme d'entreprise sera possible, à l'exception des entreprises unipersonnelles. Les entreprises unipersonnelles sont possibles dans le domaine du travail du sexe, mais elles ne seront pas autorisées à embaucher du personnel.

Quelle est la protection supplémentaire dont bénéficie un·e travailleur·euse du sexe ? 

  1. Les travailleur·euses du sexe ont cinq libertés :

  • Chaque travailleur·euse du sexe a le droit de refuser un·e client·e.
  • Chaque travailleur·euse du sexe a le droit de refuser un acte sexuel.
  • Chaque travailleur·euse du sexe a le droit d'interrompre un acte sexuel à tout moment.
  • Chaque travailleur·euse du sexe a le droit d'accomplir un acte sexuel de la manière qu'iel souhaite.
  • En cas de danger pour sa sécurité, le·a travailleur·euse du sexe peut refuser de s'asseoir derrière une fenêtre ou de faire de la publicité.

Si un·e travailleur·euse du sexe invoque l'un de ces droits, iel est protégé·e contre le licenciement ou toute autre mesure défavorable de la part de l'employeur·euse. Si un·e travailleur·euse du sexe exerce son droit de refus plus de 10 fois au cours d'une période de six mois, le·a travailleur·euse du sexe ou l'employeur·euse peut demander l'intervention d'un service de médiation gouvernemental. Ce service évaluera s'il y a un problème dans les conditions de travail ou dans la relation employeur·euse-employé·e. Le service peut également proposer des possibilités de réorientation professionnelle.

2. Les travailleur·euses du sexe peuvent décider de mettre fin à leur contrat à tout moment, sans indemnité et sans être obligé·es de respecter un délai de préavis.

3. Lorsque les travailleur·euses du sexe mettent volontairement fin à leur contrat, iels ne perdent pas leur droit à l'indemnisation du chômage.

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Quelles sont les obligations des employeur·euses ? 

L’employeur·euse doit demander la reconnaissance et est éligible si :

  1. Iel a un siège social ou une succursale en Belgique
  2. Iel n’a pas été condamné·e auparavant pour :

  • Voyeurisme ;
  • Diffusion non consentie d’images et d’enregistrements à caractère sexuel (revenge porn) ;
  • Agression sexuelle et viol ;
  • Prostitution de mineur·es ;
  • Meurtre, mauvais traitements, torture, traitements inhumains ou dégradants ;
  • Abus de la prostitution et traite des êtres humains ;
  • Enlèvement et vol ;
  • Extorsion et fraude.

Il s'agit des principaux délits. Clique ici pour obtenir la liste complète. Les dirigeant·es ou le personnel d'encadrement employé·es par le·a gérant·e ne doivent pas non plus avoir été condamné·es pour des délits figurants sur cette liste.

Après la reconnaissance :

  1. Pendant les services sexuels, une personne de référence (interne ou externe) est toujours disponible pour veiller à ce que le travail sexuel se déroule en toute sécurité.

  2. Chaque pièce où se déroulent des services sexuels est équipée d'un bouton d'alarme. Si les services ont lieu en dehors de l'établissement, l'employeur·euse fournit un bouton d'alarme mobile. Le bouton d'alarme est immédiatement relié à la personne de référence.

  3. Les syndicats, les organisations d'aide aux travailleur·euses du sexe et l'organisation professionnelle des travailleur·euses du sexe ont accès au lieu de travail à tout moment. Les travailleur·euses du sexe ne sont pas obligés d'accepter les offres des organisations.

Présidente du Parlement Éliane Tillieux au moment du vote.
Présidente du Parlement Éliane Tillieux au moment du vote.

Que reste-t-il à décider ?

Cette loi est la base qui s'applique à l'ensemble du secteur du sexe. Dans le cadre de cette loi, trois questions doivent encore être tranchées. Cela se fera par le biais d'un arrêté royal. Nous attendons trois arrêtés royaux :

  • Un arrêté royal sur les modalités pratiques de la procédure de reconnaissance.
  • Un arrêté royal sur les dimensions minimales des chambres, le nombre maximum de travailleur·euses du sexe par chambre et l'hygiène minimale sur le lieu de travail.
  • Un arrêté royal sur le service de médiation qui interviendra lorsqu'un·e travailleur·euse du sexe utilise fréquemment le droit de refuser un·e client·e, un acte sexuel, ...

Et l'anonymat ?

De nombreux·ses travailleur·euses du sexe craignent de perdre leur anonymat ou de perdre leurs chances d'obtenir un autre emploi si leur contrat mentionne le travail du sexe. Dans l'état actuel des choses, l'anonymat des travailleur·euses du sexe sera garanti. Les travailleur·euses du sexe pourront travailler dans le cadre d’un contrat Horeca qui ne mentionne pas le travail du sexe.

Les risques

Cette loi est un grand pas en avant, car elle met fin à la discrimination juridique à l'encontre des travailleur·euses du sexe en leur permettant de bénéficier d'un contrat à part entière. Toutefois, elle comporte aussi des risques.

Les nouvelles règles visent à donner aux travailleur·euses du sexe une protection sociale complète et à exclure les gérant·es malhonnêtes ou les exploiteur·euses. Cependant, la clarté de la nouvelle réglementation peut également être utilisée pour réduire ou éliminer le travail du sexe. On voit déjà certaines municipalités se cacher derrière les mots « sécurité » et « hygiène » pour promulguer des règlements locaux très stricts qui rendent le travail du sexe presque impossible sur leur territoire.

Par ailleurs, comment les travailleur·euses du sexe sans statut ou sans résidence légale seront-iels traité·es à l'avenir ? Ce n'est pas clair pour l'instant, car il n'a pas encore été décidé comment la nouvelle loi sera appliquée. UTSOPI est déjà en pourparlers avec des expert·es, l'inspection sociale et les conseils communaux pour peser sur la nouvelle politique.

Nous devons veiller à ce que les nouvelles lois profitent à toustes les travailleur·euses du sexe et ne se transforment pas en une chasse aux plus vulnérables. C'est notre tâche pour l'avenir proche. Pour y parvenir, nous devons devenir une organisation encore plus forte. Nous avons besoin du soutien et de l'aide d'un plus grand nombre de membres, de travailleur·euses du sexe et d'allié·es pour relever ce défi.

Tu es travailleur·euse du sexe, client·e ou gérant·e et tu as des questions ? N'hésite pas à nous en faire part à l'adresse suivante : info@utsopi.be.

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