Campagne : Red Flags de l'exploitation
Depuis 2024, le travail du sexe est pleinement reconnu comme un travail par la législation belge. Il s'agit d'une avancée importante, mais cela ne signifie pas que notre secteur est désormais à l'abri de tout abus. Pour lutter contre la coercition, l'exploitation et la traite des êtres humains, les travailleur·euses du sexe ont effectivement besoin de droits du travail garantis.
Toutefois, cela ne suffit pas. Cette campagne de sensibilisation audiovisuelle à grande échelle vise à informer les TDS, leur entourage ainsi que les professionnel·les du social et du soin aux signes d'exploitation et agissements illégaux dans le secteur. Dans de telles situations, les marches à suivre et les associations à contacter leur sont indiquées.
L'idée de cette campagne est venue de l'une des membres d'UTSOPI, une travailleuse du sexe qui a elle-même été victime d'exploitation. Selon elle, "si tu ne connais pas tes droits, t’en as pas". Après une série d'entretiens avec des expert·es actif·ves dans la lutte contre l'exploitation et la traite des êtres humains, et en s'inspirant de ses propres expériences, elle a écrit les scénarios et consititué une équipe de tournage.
Le résultat de son travail et de celui de son équipe : quatre vidéos, chacune présentant une forme différente d'exploitation dans un contexte particulier, impliquant un groupe cible spécifique. Chaque vidéo se termine par une liste des signaux d'alerte de l'exploitation (les red flags) et les numéros de contact des organisations de soutien.
Afin de diffuser largement cette campagne, nous envoyons les vidéos individuellement aux TDS, dont beaucoup font partie des groupes cibles dont parlent les vidéos. Puis, nous envoyons les vidéos aux organisations de soutien et aux organisations actives dans la lutte contre la traite des êtres humains. Nous invitons tous·tes les professionel·les d'accompagnement, en Belgique et à l'étranger, à les utiliser pleinement et selon leurs besoins.
Toutes les vidéos sont disponibles en néerlandais, en français et en anglais. Pour deux groupes cibles, c’est-à-dire les TDS d'Amérique latine et d'Europe de l'Est, nous avons des versions supplémentaires en espagnol, albanais, roumain et bulgare.
Combattre l'exploitation en luttant contre la stigmatisation
Enfin, ce projet ne vise pas seulement à sensibiliser les TDS et les professionnel·les d'accompagnement. Nous devons également toucher le grand public. Pour lutter contre l'exploitation et la traite des êtres humains, la stigmatisation du travail sexuel doit disparaître. La stigmatisation et la honte sont les principaux obstacles qui empêchent les TDS de chercher du soutien.
Pour que la stigmatisation disparaisse, l'idée très préjudiciable selon laquelle la traite et le travail du sexe sont synonymes doit être abandonnée. L'exploitation n'est pas synonyme de travail du sexe. Par contre, l'exploitation et la traite des êtres humains existent dans ce secteur, comme dans d'autres.
Ce projet a été créé par des TDS pour des TDS dans le besoin. Pour lutter contre l'exploitation, nous devons favoriser l'empowerment des TDS et sensibiliser la société à un accueil plus respectueux de nos communautés. En effet, qui sait mieux que les TDS ce qui se passe dans le secteur ? Qui est mieux placé qu'elleux pour détecter les situations problématiques et aider les collègues dans le besoin ?
Groupe cible : Europe de l'Est
Rita et Karolina travaillent côte à côte dans une vitrine de la rue d’Aerschot, dans le Quartier Nord de Bruxelles. À première vue, leur situation est identique, mais rien n'est moins vrai. Karolina travaille à son propre compte. Rita subit la pression de son petit ami Andreï. Ce que fait Andreï relève de l'exploitation et est punissable par la loi.
Les personnes originaires de certaines régions d'Europe de l'Est rêvent souvent d'une vie meilleure ailleurs, compte tenu du manque de possibilités d'emploi et de la pauvreté dans leur région. C'est un terrain fertile pour certains jeunes hommes qui les approchent et leur promettent amour, sécurité financière, travail ou études. Une fois arrivées en Belgique, les jeunes femmes sont souvent isolées de leur famille et de leurs ami·es, et subissent souvent des pressions psychologiques.
Groupe cible : Nigeria
Favour travaille dans le quartier situé derrière la gare du Nord à Bruxelles. Pour payer son voyage du Nigeria vers l'Europe, elle a dû s'endetter auprès de passeurs. Elle est aujourd'hui contrainte de rembourser cette dette à sa Madame. Elle veut que cette situation cesse, mais elle n'ose pas agir de peur que sa famille ou ses ami·es au Nigeria en soient victimes.
L'immigration clandestine de l'Afrique vers l'Europe est dangereuse et coûteuse. Il existe un système de prêts et d'endettement que les jeunes migrant·es utilisent pour financer leur voyage vers l'Europe. Cependant, le coût de ce voyage est souvent très exagéré et fictif. Refuser des clients ou des services, ou refuser de rembourser le coût du voyage (fictif), peut avoir des répercussions sur la famille au Nigeria. C’est ainsi que beaucoup de personnes se trouvent dans une situation où elles ne peuvent pas ou n’osent pas quitter l’activité par peur des représailles.
Groupe cible : Amérique latine
Paola est venue en Belgique parce qu'en tant que femme transgenre, il n'est pas facile de trouver du travail en Colombie. Elle travaille ici en tant qu'indépendante, mais elle vit une situation d'exploitation immobilière. Elle loue un appartement à 600 euros par semaine. Le propriétaire du bien tire un bénéfice financier anormalement élevé de la location. Il s'agit d'une forme d'abus qui est punissable par la loi.
De nombreuses personnes transgenres d'Amérique latine fuient les violences transphobes. Elles sont néanmoins également confrontées à la discrimination en Europe et ont peu de chances d'obtenir un emploi dans des secteurs autres que le sexe. Elles y sont davantage exposées à la violence. Selon Transgender Europe, plus de 60 pourcent des personnes transgenres assassinées entre 2008 et 2017 étaient des travailleur·euses du sexe. Leur situation vulnérable en Europe est également souvent exploitée par des propriétaires sans scrupules.
Groupe cible : Europe de l'Ouest
Lors d'une réunion dans les locaux de UTSOPI, trois jeunes TDS racontent comment elles sont entrées dans l’activité. Il apparaît rapidement que leurs expériences sont très différentes. Leurs histoires montrent à quel point les réalités qui se côtoient peuvent être variées, allant de formes d’exploitation violentes à des formes de travail parfaitement autonomes.
Dans ce cas, c'est souvent un manque d'information qui conduit à l'exploitation. L'isolement et le secret rendent aussi les TDS encore plus vulnérables une fois qu'iels ont commencé l'activité.
© UTSOPI, 2024. Cette campagne de sensibilisation a été réalisée avec le soutien de l'Institut pour l'égalité entre les femmes et les hommes et de la secrétaire d'État à l'Égalité des genres. Remerciements à Miguel Soll (mise en scène et montage) et Engel Doyen / Scherper (montage).